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ARGUETTE

Voici le deuxiéme épisode de l'histoire d'Arguette.

 

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"Arguette" - 2e épisode : Les vaches maigres

Cette année-là, l'herbe poussa mal. Les soins de Bon-Papa pour creuser les "pachères"1 et irriguer les prés furent vains et, comble d'infortune, au moment de la fenaison il plut sans arrêt pendant plusieurs jours et on ne put engranger que la moitié du fourrage prévu pour les dix-huit vaches et cinquante moutons qui avaient passé l'été sur les gras pâturages du « plan du Crabère »2.

Bon-Papa, la mort dans l'âme, dut se résoudre à vendre une partie du cheptel. Il fit donc le tri, choisit les vaches les plus âgées et produisant le moins de lait et il décida d'aller les vendre à la foire de la Saint-Michel, qui se tenait chaque année à Viella, la capitale du Val d'Aran, située à une vingtaine de kilomètres de Pontaut.

Bonne-Maman, le cœur lourd, ne disait rien ; Bon-Papa non plus. Personne n'osait aborder la question mais tout le monde pensait à Arguette : mais qui donc voudrait d'une bête si malingre qu'on ne pouvait atteler à la charrue et qui, visiblement, n'aurait jamais de veau, donc du lait ?!

Aidé par mon oncle Jean et un valet, Bon-Papa se mit en route la veille du jour de foire. Il fallait bien toute une nuit pour arriver dans de bonnes conditions et présenter des bêtes reposées, faisant bonne impression aux maquignons qui s'entendaient à merveille lorsqu'il fallait déprécier la marchandise.

Arguette, voyant partir quelques unes des braves laitières qui lui avait prêté leur pis généreux, étourdiment, sans penser à rien, se coula au milieu du troupeau. Bonne-Maman l'appela, elle fit semblant de ne pas entendre, l'ingrate, et Bon-Papa n'insista pas pour la faire rester.

«Ne t'en fais pas, je la ramènerai ! Personne n'en voudra ! cria-t-iI en guise d'adieu.

- Personne n'en voudra, personne n'en voudra... c'est ce que se répétait Grand-Mère en vacant à ses occupations.

- Personne n'en voudra... se répétaient Pilar et Marie, les petites dernières.

- Personne n'en voudra, personne n'en voudra... ce fut le refrain que l'on se répétait sans cesse pour « s'embaumer le cœur »3.

Mais voilà ! Trois jours après, quand les hommes revinrent, Arguette ne les accompagnait pas ! Un peu honteux, car il aimait bien sa femme et comprenait son chagrin, Bon-Papa expliqua qu'il avait vendu son troupeau tout en bloc à un propriétaire de Vilaller qui avait exigé la totalité, donc Arguette.

« Cela fera une bête de moins à nourrir. Mais surtout ne vous en faites pas ; elle est partie toute contente au milieu des autres ! »

Courageusement, Bonne-Maman, le premier chagrin passé, ne fit aucun reproche. Mais quand on regardait son visage, on comprenait que, dans sa tête et dans son cœur, le nom d'Arguette revenait sans cesse, ce qui énervait Bon-Papa et lui donnait mauvaise conscience.

Or, voilà que quelques jours plus tard, au milieu de la nuit, sa femme, qui semblait dormir à ses côtés, se dressa toute droite en criant :

« Arguette !!!


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