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Loisirs - Page 3

  • ARGUETTE

    Voici le deuxiéme épisode de l'histoire d'Arguette.

     

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    "Arguette" - 2e épisode : Les vaches maigres

    Cette année-là, l'herbe poussa mal. Les soins de Bon-Papa pour creuser les "pachères"1 et irriguer les prés furent vains et, comble d'infortune, au moment de la fenaison il plut sans arrêt pendant plusieurs jours et on ne put engranger que la moitié du fourrage prévu pour les dix-huit vaches et cinquante moutons qui avaient passé l'été sur les gras pâturages du « plan du Crabère »2.

    Bon-Papa, la mort dans l'âme, dut se résoudre à vendre une partie du cheptel. Il fit donc le tri, choisit les vaches les plus âgées et produisant le moins de lait et il décida d'aller les vendre à la foire de la Saint-Michel, qui se tenait chaque année à Viella, la capitale du Val d'Aran, située à une vingtaine de kilomètres de Pontaut.

    Bonne-Maman, le cœur lourd, ne disait rien ; Bon-Papa non plus. Personne n'osait aborder la question mais tout le monde pensait à Arguette : mais qui donc voudrait d'une bête si malingre qu'on ne pouvait atteler à la charrue et qui, visiblement, n'aurait jamais de veau, donc du lait ?!

    Aidé par mon oncle Jean et un valet, Bon-Papa se mit en route la veille du jour de foire. Il fallait bien toute une nuit pour arriver dans de bonnes conditions et présenter des bêtes reposées, faisant bonne impression aux maquignons qui s'entendaient à merveille lorsqu'il fallait déprécier la marchandise.

    Arguette, voyant partir quelques unes des braves laitières qui lui avait prêté leur pis généreux, étourdiment, sans penser à rien, se coula au milieu du troupeau. Bonne-Maman l'appela, elle fit semblant de ne pas entendre, l'ingrate, et Bon-Papa n'insista pas pour la faire rester.

    «Ne t'en fais pas, je la ramènerai ! Personne n'en voudra ! cria-t-iI en guise d'adieu.

    - Personne n'en voudra, personne n'en voudra... c'est ce que se répétait Grand-Mère en vacant à ses occupations.

    - Personne n'en voudra... se répétaient Pilar et Marie, les petites dernières.

    - Personne n'en voudra, personne n'en voudra... ce fut le refrain que l'on se répétait sans cesse pour « s'embaumer le cœur »3.

    Mais voilà ! Trois jours après, quand les hommes revinrent, Arguette ne les accompagnait pas ! Un peu honteux, car il aimait bien sa femme et comprenait son chagrin, Bon-Papa expliqua qu'il avait vendu son troupeau tout en bloc à un propriétaire de Vilaller qui avait exigé la totalité, donc Arguette.

    « Cela fera une bête de moins à nourrir. Mais surtout ne vous en faites pas ; elle est partie toute contente au milieu des autres ! »

    Courageusement, Bonne-Maman, le premier chagrin passé, ne fit aucun reproche. Mais quand on regardait son visage, on comprenait que, dans sa tête et dans son cœur, le nom d'Arguette revenait sans cesse, ce qui énervait Bon-Papa et lui donnait mauvaise conscience.

    Or, voilà que quelques jours plus tard, au milieu de la nuit, sa femme, qui semblait dormir à ses côtés, se dressa toute droite en criant :

    « Arguette !!!


  • ARGUETTE

     

    ARGUETTE

     

    Dix mois que mamie nous a quittés.

    Lors de ses funérailles sa nièce Anne, venue spécialement de Paris, avait retracé son caractère exceptionnel et ne manquait pas d’évoquer les aventures d’Arguette, la petite vache savante de bon-papa et bonne-maman. Elle faisait allusion à un récit qu'elle avait écrit quelques années auparavant « à Bastien et aux enfants de la famille pour qu’ils apprennent à connaître et à aimer ceux qui les ont précédés ».

     

    Un ami Dominique Boutonnet, enseignant à l’école de Saint-Béat, a voulu rendre hommage à mamie Juju. Il a fait illustrer l’histoire d’Arguette, l’héroïque petite vache de Pontaut, par ses élèves de la classe 602/502 de la Segpa du collège François Cazes de Saint-Béat

     

     

    Avant les vacances, Domi, est venu m’apporter l’exemplaire imprimé. J’ai relu avec émotion ce récit, sur lequel on avait passé tant de moments délicieux, et j’ai pensé que par le biais de ce blog je pouvais vous en faire profiter.

    Ce feuilleton sera diffusé durant cet été. Il y aura six épisodes.

    Ne manquez de passer vos commentaires et bonne lecture.

     

     

    ESCARIO Georges

     

    Le CafdV vous présente LE feuilleton de l'été : "Arguette"

    hauts d'oueil

    C'est "l'histoire de la petite vache tant aimée de ma Bonne-Maman."
    JULIETTE ESCARIO née DEO BENOSA.

    Escoutatz plan brave monde ! qu'ei 'ra hèita d'Argueta, era petitina vaca de Pontaut.

    Madame Juliette Escario est partie un jour d’automne 2009. Auparavant, elle avait pris soin de léguer à ses descendants une part de sa mémoire au travers de petites nouvelles. Nous avons eu l’honneur d’en profiter également.

    Nous ne connaissions pas « Mamie Juju ». Pourtant, dès que le professeur nous en a parlé, elle nous a semblé proche et nous avons ressenti le devoir de lui rendre hommage. C’est ce que, sans grande prétention, nous avons essayé de faire en illustrant l’histoire d’Arguette, l’héroïque petite vache de Pontaut.

    Le Café des Vallées s'est proposé pour la diffuser sous forme de feuilleton durant cet été. Il y aura six épisodes, chaque samedi. Ne manquez surtout pas la diffusion du premier ; ce sera samedi prochain !

    La classe de 602/502 de la Segpa du Collège F. Cazes de St-Béat

     

     

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    "Arguette" - 1er épisode : Que la montagne est belle !

    A Bastien et aux enfants de la Famille pour qu’ils apprennent à connaître et à aimer ceux qui nous ont précédés.
    Ma grand-mère, Antoinette Benosa, était une "hereue" 1, c'est à dire que, son père étant mort avant sa naissance sans laisser d'héritier mâle, les lois du Val d'Aran voulaient qu'elle hérite du nom et surtout d'une assez jolie propriété qui partait des contreforts de la montagne de Les jusqu'au Pont du Roi. C'est la casa Benosa à Pontaut 2.

    Cette petite fille qui vint au monde quatre mois après la mort de son père, en 1867, sera promise dès son berceau au troisième fils de la famille la plus Influente du village, bien qu'il soit de treize ans son aîné. Il s'appelait Julian Déo.

    L'accord fut conclu par un Conseil de Famille, présidé par Monsieur le Curé et ratifié par un juge.

    Les deux enfants grandirent avec l'idée que tel était leur destin et que tout était bien ainsi.

    Ils se marièrent donc dès que Bonne-Maman eut quinze ans (à l'époque on ne disait pas Papi ou Mamie) et ils eurent huit enfants dont un seul, la petite Rose, mourut quelques heures après sa naissance.

    La vie était dure en ce temps-là dans nos montagnes et même dans les familles aisées, bien que l'on eût en abondance le miel des abeilles, le lait des vaches, la viande, la laine des moutons, les truites et des anguilles du Rio Toran 3 il arriva que certaines années de sècheresse il fallut faire des restrictions.

    Mes grands-parents vivaient comme tous les Aranais de leur temps. Une grande rigueur morale et une foi profonde dirigeaient tous les faits importants de leur vie, réglée sur le rythme des saisons, avec des joies et des peines, des années de vaches grasses et des années de vaches maigres. Mais la Famille faisait bloc. On s'aimait sans se le dire et on était heureux.

    Un matin, naquit dans l'écurie une petite vache si maigre, si mal venue, si contrefaite qu'on la déposa dans un coin de l'étable pour la laisser mourir. Bonne-Maman prévenue (une bête qui mourait en naissant était une grosse perte pour le troupeau), voulut voir ce qui se passait et, en entrant dans l'écurie, reçut en plein cœur le regard de cette petite chose qui agonisait. Dès lors, elle ne pensa plus qu'à la sauver. Elle l'enveloppa d'une bourrasse 4, l'amena dans la cuisine, la frotta avec de la paille, réussit à lui faire avaler quelques gouttes de lait et lui prépara une litière bien douillette, non loin de sa mère dénaturée, qui s'était complètement désintéressée de sa progéniture. Fatcherou, le voisin, toujours prêt à rendre service, lui confectionna un astucieux biberon à partir d'une vessie de cochon.

    Bonne-Maman fit tant et si bien qu'Arguette, c'est ainsi qu'on la nomma, devint une jolie génisse. Bien sûr, elle ne devint jamais bien grasse et sa taille resta toujours en dessous de la normale ; une de ses jambes avait souffert à sa naissance mais elle avait un si joli pelage café au lait et de longs cils qui donnaient à son regard une telle expression, qu'on ne pouvait que l'aimer en la voyant. Elle suivait Bonne-Maman partout, dans les prés couverts de narcisses, dans les champs et il lui arrivait souvent, lorsqu'elle traversait la cour, de passer la tête à travers la porte entrouverte de la cuisine en meuglant doucement ; c'était sa façon de quémander une caresse, de dire « Je suis là ! »

    C'était une époque heureuse où l'on se contentait de ce que Dieu voulait bien nous donner. Pas d'électricité, pas de voiture, pas de radio ou de télévision. Mais le bleu du ciel, la douceur du climat, la beauté des montagnes, le murmure des oiseaux, les fêtes que l'on donnait au moindre prétexte : la fête du village, la fête du cochon, la Saint-Jean, la tonte des moutons, le départ et le retour du bétail pour la montagne,... tout ravissait les âmes simples qui peuplaient ce joli coin des Pyrénées. Tout était prétexte pour que Bon-Papa sorte son violon ou fasse vibrer sa guitare. Les pentes des monts se couvraient de genêts avec une telle luxuriance qu'il semblait qu'une coulée d'or en descendait. Dans les prés, les narcisses embaumaient.

    Mais au milieu de ces félicités un orage se préparait.

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    Vous trouverez en notes les mots aranais qu'utilise Mamie Juju. L'aranais, ou le gascon pyrenenc, font partie du même groupe dialectal dans l'ensemble occitano-catalan Ce n'est pas de l'espagnol, ou ce qu'on appelait autrefois de façon un peu méprisante du "patois", mais bien une langue à part entière. Éradiquée de ce côté des Pyrénées par les autorités (scolaires notamment), cette langue de haute culture a obtenu un statut officiel sur l'autre versant de la frontière.

    Notes :
    (1)"hereue" : de heredèr, héritière. Le système successoral des hautes vallées et la transmission aux femmes sont tout à fait particuliers depuis des siècles en Pyrénées. On renverra pour mémoire à l'ouvrage Femmes Pyrénéennes d'Isaure Gratacos.
    (2) "casa" : de casam (latin) = la maison. L'expression la "casa Benosa" renvoie aussi bien  à l'édifice qu'au cercle familial (étendu) s'y trouvant regroupé.

    Le toponyme "Pontaut" vient tout simplement de "pont".
    Le village de Pontaut est sur eth Garona.
    (3) Pontaut est à la confluence de l'arriu Tòran.
    (4) "era borassa" = le maillot (pour l'enfant), le lange de laine; on notera aussi que "eth borras" signifie le pré à l'herbe abondante.

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