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Les histoires insolites de Jojo - Page 46

  • ARGUETTE

    QUATRIEMZE EPISODE

     

     

    "Arguette" - 4e épisode : L'hospital de Vielha

    Et ils partirent tous les deux dans le matin, d'un pas ferme et joyeux. Comme le chemin leur paraissait beau tout à coup ! Le soleil levant faisait étinceler les pelouses recouvertes d'une légère gelée, il caressait les cascades qui tombaient du haut des rochers. Il y avait des colchiques et des pâquerettes dans les prés. Le Port paraissait tout proche, les sapins semblaient grimper à l'assaut de la montagne dont les pics déjà enneigés découpaient de si jolis contours sur le ciel bleu1.

    Les six heures de chemin jusqu'à l'hospice leur parurent vraiment courtes. Ils n'étaient pas fatigués lorsque, après avoir mis Arguette à l'écurie, Bon-Papa se présenta à la salle commune.

    C'était une grande salle, blanchie à la chaux, avec une énorme cheminée où des arbres entiers se consumaient. Sur les bancs de pierre qui entouraient l'âtre, une vingtaine de voyageurs se restauraient en attendant la caravane qui partirait le lendemain à l'aube.2

    Parmi eux se trouvait un négociant en vins de Saint-Béat qui revenait d'une tournée dans le sud de l'Espagne et paraissait très pressé de rentrer chez lui. Bon-Papa aussi !

    Autrefois, au Val d'Aran, tout le monde parlait français3 et Monsieur Pierre Lacaze fut tout heureux de rencontrer quelqu'un qui lui répondait dans sa langue et, de surcroît, n'habitait qu'à une dizaine de kilomètres de chez lui.

    Il apprit à mon grand-père qu'il avait quitté sa famille depuis plus d'un mois. II avait pris le train à Marignac, via la Tour de Carol et Malaga. Sa tournée s'étant achevée à Lérida, il avait choisi de rentrer par le Val d'Aran, pensant ainsi raccourcir son voyage, car il aimerait bien rentrer chez lui, au plus tôt. Bon-Papa aussi ….! et à son tour il raconta son histoire, ce qui mit tout le monde en gaieté.

    Il vint une idée à Monsieur Lacaze :

    « Vous n'êtes pas fatigué, moi non plus, vous connaissez la route, la vache aussi. Il fait beau, si nous partions ?

    - Il y a un moment que j'y pense, dit Grand-Père, mais vu l'heure tardive, je n'osais vous le proposer. C'est entendu, nous partons. »

    Les haltes dans les montagnes étant prétexte à de joyeuses ripailles (à l'époque on n'était pas pressé), personne ne voulut se joindre à eux.

    « Attention, dit le patron du refuge, le temps va changer. II fera mauvais bientôt !... »

    Sur le seuil, tous ses sens en éveil, Bon-Papa, regarda soucieux vers le Pic de Moullières au fond de la Vallée de la Noguera Ribagorzana4. Quelques nuages venant du nord se heurtaient contre ses flancs. Tout le monde sait ici que le mauvais temps vient du côté de la France. En se dépêchant, il est possible de passer le Port Vieil5 et de rejoindre le refuge de l'autre côté de la montagne.

    « Si on ne se presse pas, demain il sera trop tard et Dieu seul sait pendant combien de temps nous risquons d'être bloqués ici avant que le beau temps ne revienne. Il ne faut que deux heures pour atteindre le Col ... il est plus de deux heures de l'après-midi … Avant que la nuit ne s'installe et que la tempête se déchaîne, nous serons en lieu sûr. »

    Le valet sort Arguette de l'étable. Elle a compris qu'ils vont repartir et elle manifeste son approbation en balançant la tête et en poussant de joyeux beuglements.

    Rapidement, ils attachent leurs bagages et la mallette de Monsieur Lacaze entre les cornes de la vache et avec une lanière de cuir. Ils n'auront pas à les porter.

    Avec sa grosse veste de "bureu"6 soigneusement pliée sur son avant bras, son gros pantalon de velours côtelé serré à la taille par une longue 'facha"7 noire et ses gros souliers cloutés, Bon-Papa est bien équipé pour affronter la montagne et la tempête. II ajuste son béret sur le front, comme seul les Aranais savent le faire, prend la "guillade"8 et lance :

    « Arguette à caso !9.. »












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    Notes:
    1. "le port... les pics déjà enneigés":
    Les marcheurs remontent la vallée de la Noguera Ribagorzana. Ils sont au cœur de la chaîne pyrénéenne, sous les "3 000" entre les massifs de la Maladeta, à l'Ouest et d'Aigüestortes à l'Est. Vers le Nord, la barre où culmine le Tuc de Vielha forme un mur qu'il faut contourner pour passer de l'autre côté des Pyrénées...
    2. "l'hospice": il a été édifié en 1192 par Alphonse III d'Aragon pour servir de refuge aux caravaniers avec leurs mulets chargés de victuailles et autres objets de commerces et aux bergers accédant aux pâturages du versant du luchonnais.
    3. "autrefois, au val d'Aran, tout le monde parlait français...": en fait, autrefois en val d'Aran comme en Haut-Comminges, tout le monde parlait le même dialecte, le gascon pyrenenc. Il figure entre autre dans les textes administratifs. C'est une des langues de l'hexagone qui résiste bien à la francisation. Au début du XIXe s. où se passe l'histoire d'Arguette, le gascon est la langue usuelle de l'ensemble de la société commingeoise, mis à part les notables. M. Lacazes, négociant en vin à St-Béat, figure du notable local, s'adresse en français au paysan rencontré; lequel, comme nombre de ses congénères, est bilingue. M. Lacazes avait dû être à l'école de l'instituteur Dupleich, activiste de la langue nationale.

    4. "le Pic de Moullières au fond de la Vallée de la Noguera Ribagorzana":
    de l'Hospice, où ils font étape, c'est la seule trouée à l'Ouest d'où déboule la Noguera Ribagorzana qui permette d'apercevoir les nuages s'accrochant au Nord (Pic de Molières, 3 010 m).
    5. "Port Vielh": on parle ici du Port de Vielha (2470 m), le col vers le versant nord; à ne pas confondre avec le petit col qu'ils longeront auparavant, nommé Port Vielh de Hòro (Vieux passage du goufre); le horau (houraou), signifiant trou ou gouffre. A ce propos remarquons que des hòro transformés en tòro ou taureau se promènent sur la chaîne de manière incongrue, le trou du tòro (le trou du trou) étant un fameux exemple de détournement pléonastique par nos cartographes patentés. Le passage du ... port (passage) ne nous semblant pas plus inventif.
    6. "bureu" : (prononcer "buréou"), toile de bure, de burra, le vêtement confectionné avec cette étoffe. L'étymologie de ce mot n'est pas très claire. Le bureu est porté par les bergers.
    7. "facha"
    : en graphie gasconne "faisha", la ceinture d'étoffe qui entoure la taille et coince le vêtement. Certaines personnes âgées en portent encore, au moins pour les fêtes, et on en voit toujours sur les danseurs "folkloriques".

    8. "guillade" : entendre "aguillade"; de agulha, aiguille (aculeam latin) donnant agulhon (prononcer "agülyou"), l'aiguillon, et en particulier l'aiguillon du bouvier, dit agulhada (francisé "aguillade").
    (Classiquement, le suffixe -ada venu des langues romanes sert à former "des noms collectifs, des noms indiquant un produit, exprimant une action ou le résultat d’une action".)
    Ce sont les Agulhas, et autres Agudes qu'on retrouve sur nos sommets...).

    9. "a caso":
    pour rappel, le "a" final gascon est toujours très ouvert, les français du nord le prenant pour un "o" ainsi que les espagnols, d'où cette graphie hybride et contaminée. En fait il faudrait écrire "casa" en prononçant bien "o<" (o ouvert final); presque un "e", comme agulhada ou faisha. Qui le sait hors nous-mêmes ? Il faut avouer que la graphie fait l'objet de nombreuses discussions depuis longtemps.

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  • REUNION

     

    DEVIATION DE SAINT-BEAT

    REUNION MAIRIE DE SAINT-BEAT

    Lettre envoyée à Monsieur RACCA.

     


    Association des Riverains et voisins de la RN 125
    31440 Saint-Béat







    Monsieur Jean-Pierre RACCA

    DDT TOULOUSE






    Monsieur le Directeur,




    Notre association réunira son Bureau le vendredi 20 août 2010 à 15 heures  à la mairie de Saint-Béat.
    Nous serions très heureux de vous accueillir, vous même ou votre représentant, à cette occasion.
    Recevez, monsieur le directeur , nos salutations distinguées.





    Le président: Georges ESCARIO

    Le secrétaire Daniel EGRE

     

     

  • ARGUETTE

    Voici le 3eme épisode avec les deux commentaires parus sur le Café des Vallées.

     

    "Arguette" - 3e épisode : Le long voyage à travers la montagne

    - Cette femme me rendra fou, dit Grand-Père. Voilà que moi aussi, je crois entendre cette maudite vache ! »

    Il dut cependant se rendre à l'évidence. Sa femme n'était plus là et c'était des meuglements qu'il entendait. II courut à la fenêtre et, au milieu de la cour, il vit Bonne-Maman en chemise, pieds nus et Arguette se faisant des tendresses sous la froide lune de septembre.

    Ce fut un véritable prodige. Tout le village défila à la maison pour voir cette merveille : une vache qui avait fait plus de quatre-vingts kilomètres dans la montagne, toute seule, pour rejoindre la maison où elle était née ! Il y eut bien quelques vieilles grincheuses pour murmurer qu'il y avait de la sorcellerie là-dedans... Mais, à la maison, personne n'y prêtait attention.

    Cependant, le curé du village, « Moussen Daniel »1, prit mon grand-père à part et lui dit :

    « Julian, cette vache n'est plus à toi ! Il faut la rendre !

    - Je sais bien, Moussen, mais voyez ! Nous sommes en octobre... le port de Viella2 n'est pas encore fermé mais cela ne saurait tarder. Je risque d'être bloqué là-bas et que va dire Antonia ? Je vais écrire au propriétaire. Peut-être acceptera-t-il de me la recéder. S'il refuse, je la lui rendrai au printemps.

    - Julian, Julian ! Ce sont de mauvaises excuses. Tu dois partir tout de suite et tant qu'iI fait encore beau ; c'est une affaire de huit jours. Demain, tu partiras. »

    L'ascendant du Moussen était tel que personne ne songea à discuter. Et Bon-Papa se prépara pour ce long voyage.

    A quatre heures du matin, croyant la maison endormie, tenant Arguette en laisse, Il franchissait le pont des "Abos"3, lorsqu'il vit sa femme lui tendre à bout de bras, la chaîne d'or et la montre, souvenir précieux de son père qu'elle n'avait pas connu, en lui disant :

    « Peut être, que Maître Grané, le notaire de Bossòst voudra nous donner assez d'argent contre ça, pour racheter Arguette ? »

    Bien qu'il fut plus ému qu'il ne voulut, Bon-Papa eut un petit mouvement de jalousie. Cette montre que tout le monde vénérait comme une relique !... Dieu du ciel, qu'est-ce qu'il fallait entendre !... Et puis quand nous passerons à Bossòst, Maître Grané sera dans son lit et, ce n'est pas moi qui irai le réveiller.

    Et c'est en maugréant qu'il reprit la route.

    Mais allez donc faire quatre-vingts kilomètres à travers la montagne, par des chemins scabreux, avec une vache rétive qui faisait deux pas en avant et trois en arrière dès qu'on n'y prenait garde. Bon-Papa était exténué quand il arriva au pied du Col. A ce moment-là, le tunnel de Viella n'existait pas. II fallait prendre un chemin qui grimpait dans la montagne et traverser un col qu'on appelait le "Port Vieil ".

    De chaque côté du col, se trouvaient et se trouvent encore, deux immenses bâtisses solidement construites en pierres grises du pays que l'on appelait « Hôpital de Viella ». Les municipalités avoisinantes payaient, à longueur d'année, des gens qui devaient assurer le vivre et le couvert aux voyageurs en difficulté, et leur porter secours en cas d'accident, car il arrivait que certains, trop téméraires, se perdaient dans la neige et le brouillard et, souvent, à la fonte des neiges, on retrouvait leurs cadavres au fond des "Clots"4.

    Le premier passage se fit sans encombre. Arguette semblait s'être fait une raison. Le temps était au beau fixe. Vilaller n'était plus très loin. Après Senet, ils étaient presque arrivés. Ce fut donc au soir du troisième jour qu'ils atteignirent le but de leur voyage.

    En les voyant, le propriétaire leva les bras au ciel, invectivant tous les saints du Paradis, pour avoir osé lui renvoyer une bête pareille.

    « Je la croyais morte dans la montagne,"espallée"5 au fond d'un ravin, mangée par les bêtes sauvages, c'est tout ce qu'elle mérite. »

    Mon grand-père s'attendait à quelques reproches, mais pas à un pareil accueil !

    « Que vous a-t-elle donc fait ?

    - Ce qu'elle m'a fait ! Je l'avais mise au "couraou"6 avec les autres quand elle a commencé à chercher à s'enfuir et, quand le taureau s'est approché d'elle, elle est devenue folle, elle a cassé les barrières, toutes les bêtes se sont sauvées dans la campagne. Nous avons mis plus de deux jours pour les rassembler. Ah ! vraiment, je ne veux plus de votre maudite bête !...

    - Justement, dit Bon-Papa, si vous voulez me la revendre ?

    - Vous la revendre ? Je vous l'avais prise pour rien, je vous la redonne pour rien, mais débarrassez-moi d'elle. Je ne veux plus la voir.

    - C'est entendu, nous repartons aussitôt. »

    Mais, en ce temps-là, l'hospitalité était grande, et on ne le laissa repartir, le lendemain matin qu'après lui avoir servi un bon déjeuner d'œufs et de lard frit.

    Un bon coup de vin au "pourou"7 et en route. Cette fois, il n'eut plus besoin de tirer sur la longe pour qu'Arguette le suive. Il lui en fit une tresse autour des cornes. Il mit sous son bras un gros fromage qu'on lui tendait, prit un bâton ferré et dit simplement :

    « Arguetto ! A caso !8 »

    ___________

    Notes :
    1. "Moussen"
    : sans doute de moussegne, Monseigneur, titre honorifique pour montrer l'importance du personnage (cf. plus loin : "L'ascendant du Moussen était tel que personne ne songea à discuter".

    2. "Port"
    : Passage. Port de Viella = Port Vielh : Vieux passage.

    3. "Abos"
    : aboussa, du latin albò, asphodèles. La plante pousse en milieu humide, en bord de ruisseaux ou près des ponts en effet. Dans les périodes de disette les tubercules d'asphodèles, eths aoubos, étaient donnés aux lapins et aux cochons qui en sont friands.

    4. "Clots"
    : (clòts) creux, trous, voire ravines où s'accumule la neige par exemple.

    5. "espallée"
    : écorchée.
    Du latin spoliare (dépouiller); espeiller : ôter la peau, dépecerdespoillier (XIIe).
    6. "couraou"
    : courrau : bercail, enclos où sont rassemblées les bêtes, corral. Peut-être du latin vulgaire : cirque pour les courses de char. Le courrau du Crabères, comme d'autres, est toujours en activité.

    7. "pourrou"
    . Porron = goulot, burette à vin. Un coup de vin "au pourrou" ou à la régalade.

    8. "a caso"
    : à la maison.

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    Commentaires

    1. Le Samedi 7 août 2010, 13:19 par Anne-Marie

    Notre Arguette à nous, elle s'appelait Bichette et bien qu'elle n'ait traversé que la longueur d'un pré, ce fut une grande émotion.
    J'avais 9 ans quand nous avons dû quitter définitivement la campagne et la ferme. Les récoltes avaient été mauvaises, les vaches furent vendues et le chien ... non, ça je ne peux pas le dire !
    Nous sommes allés grossir les quartiers "modernes" de la ville. Mais nous repartions certains dimanches rendre visite à nos anciens voisins. Un jour, sur le chemin, ma mère poussa des cris dans la voiture. Dans un pré, sur le bord de la petite route, Bichette paissait tranquillement avec ses nouvelles compagnes.
    Ma mère sauta hors de la 203 et se mit à appeler : "Bichette ! Bichette !". La vache n'en attendit pas davantage. Elle traversa le pré en courant et vint se faire caresser en tirant la tête par-dessus la clôture électrique. Et nous sommes sûrs d'avoir vu des larmes dans ses yeux.

    2. Le Lundi 9 août 2010, 18:28 par Elodie

    Nous attendons vivement le feuilleton du samedi. Le jour dit, je lis l'aventure d'Arguette à voix haute, pour toute la famille.
    Serait-il possible de grossir les notes en bas de pages ?

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